samedi 11 juillet 2009

La route

Par: Jocelyn Roy

Le groupe est fébrile dès le début. Moi, j’appréhende la route. La longue route. La très longue route. J’ai la phobie des voyages en voitures. Des voyages en avions, j’en ai fait et refait. De tous les genres d’avions, des gros boings paresseux, aux petits avions de brousse fébriles et chambranlants de la ligne « Cameroun-airlines ». J’ai jamais eu peur d’un crash. J’ai fait du train de la Hollande, à l’Espagne, en passant par l’Italie, l’Allemagne et la Suisse, même le TGV Paris/Marseille bien des fois. Je roule en vélo, en
roller blade, je sais pas breacker et je me pète la gueule, mais je n’ai pas peur. Même en bateau à moteur, en zodiac, en canot avec des kids de 10 ans, en Kayak de mer avec des baleines, je n’ai pas peur… Mais en voiture, j’ai peur! À chaque fois que je fais « un tour de machine », je dois me concentrer pour ne pas paniquer. J’ai peur de mourir en auto. J’imagine les pires accidents. Toujours. Je trouve que c’est le pire véhicule au monde! J’aimerais mieux sauter en parachute sans parachute dans un volcan au lieu de faire 12 heures de char! (Bon, j’exagère…) Alors, imaginez : Il est 7 heures et quart. On doit se rendre à Gaspé pour 18h. Je ne connais pas les chauffeurs. Je ne connais pas la route dépassée Rimouski. On est en retard… J’inspire, j’expire. Pff!
La route se fait bien jusqu’à la fin de la 20, à Mont Joli. Après… Je survis. On dirait que le groupe veut arriver le plus vite possible. Moi aussi, mais pour que ça arrête. Par contre, les champs d’éoliennes qui parsèment la route sont des bouées de beauté dans ce pa
ysage magnifique. L’air sent bon la mer. On s’arrête pour une pause pipi. Je fume une cigarette sur le bord d’un bateau échoué. Je ne suis vraiment pas fait pour habiter en ville, que je me dis. Dès que je retrouve le fleuve, l’air gorgé de large. Ça sent la liberté. Ça sent bon. Je veux rester ici toujours. Surtout, je ne veux pas reprendre la route… La traversée de la vallée entre L’Anse-Pleureuse et Gaspé, en passant par Murdochville (là où même la rivière semble avoir désertée la ville!) est l’apogée. Je réussis à contrôler ma peur phobique en m’agrippant aux bras de mon siège. Je refuse que cette peur m’empêche d’aller là où je veux, quand je veux et avec qui je veux. Nous arrivons enfin à Gaspé (en un seul morceau) un peu avant 19 heures. Sains et saufs. Je garde mon ventre figé par la peur et mon souffle court. Ne me demandez pas ce que Jean Lemire nous a dit lors de notre première rencontre. Je suis efficace, mais absent. Quand vient le temps de choisir nos cabines, je m’en fous! Je veux juste retrouver un pouls normal. Et puis le calme de la mer. Le silence du vent qui siffle. Je m’assoirais là, sur le pont du SEDNA, et je me transformerais en Penseur de Rodin. Silencieux comme la pierre. Le groupe parle fort. Les gens sont euphoriques. « On est sur le SEDNA IV!!! ». C’est vrai qu’on est chanceux. Allez! Il faut que je me réveille. Que je m’intègre. Que je sorte de ma torpeur. On se rend au centre-ville manger des sushis. C’est qu’on est loin des clichés ici. Gaspé n’est plus un port de pêche avec trois cantines qui font de la guédilles. Gaspé suit l’air du temps. En tout cas, les efforts y sont. Les enseignes de restaurants et de boutiques en témoignent. L’ambiance au centre-ville est tout à fait sympathique. Tout y est accueillant et chaleureux. Le gars de la campagne en moi s’y sent bien. Chez lui. J’aime le vent sur ma tête. J’aime les gens qui jouent de la guitare dans la rue et qui nous saluent avec un grand sourire.
Autour de la table, le groupe parle, parle, parle. Je me sens complètement comme un extraterrestre dans une bulle de silence qu’on tente de percer. Je me sens même sauvage. J’ai pas le goût d’être cool. J’ai faim. J’ai soif. .. Fuck! Ma blonde dans son grand verre arrive enfin. À la première gorgée, le stress tombe d’un coup. Et je me mets soudainement à ne pas me mêler de mes affaires. J’échange (enfin!). Je me mêle aux conversations. La glace est cassée. La fatigue embarque peu de temps après cet état euphorique. On rentre au bateau. J’échoue dans ma cabine et dors comme en apesanteur. Calme. Zzz.









Joss à Gaspé

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