mercredi 19 août 2009

Imaginer et puis faire son film

Je suis arrivée à Gaspé avec quatre idées de film à explorer. En fait, nous avions tous à peu près quatre idées de films qu’on voulait faire pour un total de 24 films à réaliser. On rêvait en couleur. Pas possible du tout mais tout de même trippant à partager et à brainstormer ensemble. La chance de se connaître et de voir le panorama de nos mondes respectifs. De l’héritage des micmacs aujourd’hui à Gaspé aux mornings shows délurés, l’histoire de la croix de Jacques Cartier en passant par des portraits d’artistes de la région.

J’avais d’abord pensé à la légende du Rocher Percé et Blanche de Beaumont, cette jeune française qui, en venant retrouver son amoureux en Nouvelle-France, fit face à de farouches pirates et plutôt que de succomber aux avances de leur chef, se jeta à la mer. On dit que son ombre plane toujours au-dessus du rocher percé. L’idée était de conter cette histoire classique sur les images contemporaines d’un couple actuel.

Ensuite, l’idée de faire un essai sur la lumière en Gaspésie et la relation qu’entretiennent les gens avec elle me chatouilla. En fait, à cause de la situation géographique de la Gaspésie, nous pourrions être à l’heure des maritimes. Le soleil se lève ici très tôt le matin (à partir de 4am en été) et disparaît un bon 40 minutes avant qu’il ne se couche à Montréal. Effets: des heures d’ensoleillement le matin avant que bien des gens puissent travailler et des soirées trop courtes. Les gens de la construction et de l’hôtellerie peuvent en jaser longtemps. J’imaginais des scènes poétiques jouant avec la lumière avec une narration.

Puis j’ai eu le flash de trouver une esthéticienne à Gaspé et d’en brosser le portrait voir de faire un documenteur. Des femmes souvent pas mal flyées, qui ont des jobs steady à l’année (pas toujours évident en Gaspésie) et surtout, qui recueillent les confidences des clientes au fil des épilations et autres traitements dans des salons de beauté, véritables lieux de confession. On y entend des vertes et des pas mûres.

Finalement, c’est l’île de nos ancêtres qui m’a absorbée et happée. Des descendants des anciens habitants de l’île Bonaventure, expropriés en 1971 pour faire place à un parc, renouaient avec leur l’héritage et l’univers bien particulier de leurs ancêtres en effectuant un pèlerinage à l’île. Ils cherchaient à faire revivre le patrimoine humain plutôt sacrifié : maisons brûlées, cimetière vandalisé, les traces et les noms de leurs ancêtres négligés sur les plaques commémoratives... J'ai fait la rencontre de l'extraordinaire de Louis Brochet, l'un des derniers survivants. 91 ans, chaleureux, coquin, drôle, tendre et solide. Un vrai conteux. Ancien pêcheur et capitaine, il vécu sur l’île avec 50 autre familles une vie tricotée serrée. Un personnage en or et la chance de capter un pan de l’histoire gaspésienne en voie de disparition. Lorsque Louis nous raconte l’isolement de l’île, les passages sur le pont de glace l’hiver, le premier film qu’il vit en 1924 à Percé (the Mainland) mettant en vedette Rudolph Valentino ou même que sur l’île ne vivaient que des hommes et des souris (of mice and men), on est là avec lui. Le sujet était passionnant et je me suis lancée à fond. Le montage s’achève maintenant. C'est le temps de sortir de la salle de montage du bateau.

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